Vandango

VANDANGO

Soir d’été. Soleil resplendissant jaune orangé.

Minuscule groupe de fraternité douce.

Envie de voir s’éteindre le jour.

Huit corps d’adultes – enfants accomplis.

Autant d’états d’âmes,

de voix singulières bronzées,

voix basses, hautes,

qu’importe.

Feu de rires autour d’un repas improvisé.

L’un est une aide pour l’autre.

*

On venait de se baigner dans l’océan fougueux : des vagues nous emportait loin du lieu qu’on avait élu… PUISSANCE DE LA NATURE… ici c’est le sable fin des plages océanes… au loin, là-bas, tout là-bas… ces rêves perdus… …autre désert de sable ocre…

Brise légère, rafraîchissante.

Triangle de mouettes heureuses.

On boit du vin. On partage nos nourritures,

nos excès,

des doutes,

les derniers étonnements,

essayant de passer

d’une perception moins claire à une perception plus claire.

La plus jeune propose :

« Une partie de frisbee ? »

Arriver à 20 lancés. Difficile !

Il faudra attendre le ciel noir… mais nous avons exulté dans une étreinte de rugbymen !!

« Quelle heure ? » Oubli de l’heure ! …plus-que-tout : ne rien comprendre à l’instant…

Soleil disparu. Laisse-toi respirer ciel orangé.

Qu’est-ce qui vient ainsi vers moi ?

Coup de griffe dans mes idées.

*

Soudain ELLE, fille au visage soleil, désinvolte (ivresse du temps ?),

Soudain ELLE, désinvolte (folie du temps ?),

Soudain ELLE, désinvolte (caresse du temps ?),

comme un oiseau délivré de sa cage… se lève, se met à courir vers l’eau, accélère… enlève ses vêtements ! Un à un ! …accélère… lance ce cri aigu, mi 6, excessive joie ! pluie de gouttes de joie… instant décisif !… contraire du décès ! plongeon du corps… hop ! Hopopop !

glaçon du sang! …des spasmes à n’en plus finir des rires à n’en plus finir des cris d’allégresse… au rythme de l’océan corps ballotté, secoué, swingué putain c’est bon ! foutre le camp ! annihiler ce monde, un instant ! nue… sa chair nue… eau… sel… eau salée sur ce corps-femme transfiguré…

On reste assis là, bouche bée, sur la plage.

C’est si beau.

Laisse-toi exister.

C’est si beau.

À l’instant de la baignade, n’est réel que ce qui se passe à l’intérieur d’elle-même.

Et, dans le même mouvement… un autre corps… ELLE, fille au visage lune, longue chevelure or, si belle jeune femme, nue plus-que-nue ! hop ! Hou-là-hop ! par une pulsion intérieure… soudain une vue plus claire, plus distincte de l’univers en mouvement… elle s’évade : l’existence spontanée jouit en ELLE ! tourbillon de molécules !! …ravissante, courbes généreuses… féminité célébrée… …accélère… plus vite !!… …toujours plus vite !!!… cours vers l’eau fougueuse, furieuse, iodée… ses seins-balançoire… peau de plus en plus lavée des souillures-vieilles-tristesses… rejoindre son amie de toujours… ciel bleu nuit… soleil oublié, muet… …accélère… passe la vitesse du son… n’en finit plus d’accélérer, son cœur… oui, son cœur… son vaste coeur-sans-peurs… oui, son singulier cœur chante en chœur-océan… danse exaltée, corps et âmes fusionnés… longue chevelure or, si belle jeune femme, nue plus-que-nue… à l’instant de la baignade, n’est réel que ce qui se passe à l’intérieur d’elle-même…

*

Ai-je déjà vu une scène aussi pure ?

(L’ordre des mots s’emmêle.)

EROTISME : NATURE

V pour vertu

A pour adaptable, si les choses changent

N pour nulle part !

D pour Dream toujours

A pour âme de lune

N pour n’existe-pas-réellement, nos peurs

G is for goal, your eye on the future

O is for outrageous !

…passions en dehors des clous, scandaleuses… Vandango nom secret/porte ouverte sur la vie impérissable… éternité de ci-ga-rette/cendres et… allumettes.

*

On reste là, méditant, sur la plage.

C’est si beau.

Sol Si beau.

Autres corps désirant, contemplatifs –

plongée un instant – puits sans fond…

Qu’est-ce qui vient ainsi vers moi ?

*

À l’est, surfeur solitaire rattrapé par la nuit. Bientôt l’heure de rentrer-mourir. Bientôt l’heure de rentrer-guérir. Bientôt l’heure de ne plus revenir. C’est l’existence qui est jeune dans son renouvellement incessant des formes, des angles, des petits-cris-de-joie, des regrets, me dis-je…

« Voilà, je ne vous ai rien tenu caché. »

Le laurier-rose, dans mon âme, en pleine floraison. L’air embaumé. Merci.

…comme un oiseau délivré de sa cage… se lève, se met à courir vers l’eau, accélère… enlève ses vêtements …

Deux corps nus, deux femmes.

Deux corps nus de femmes.

Deux corps nus de féminité douce,

aimant-la-vie-à-en-mourir, croquant la vie-pomme-rouge, deux papillons de chair dansés par la poésie… dansées par le souffle de vie vibrionnant… inventant des couleurs, dégageant mille saveurs, virevoltant leurs corps devenus obliques jusqu’à plus soif !

Est-il art plus tendre que cette lenteur avec laquelle Elle a pénétré dans l’eau ? …Nous sommes ces vagues qui disent oui, qui disent non, qu’importe… Vandango… porte ouverte, sur l’éternité… impérissable…

Éternité ci-ga-rette/cendres et… allumettes.

SILENCE

Pensée pour ceux qui sont emportés par les ouragans du monde.

Pensée pour ceux qui sont ensevelis sous les tourments du monde.

SILENCE

Ici est né l’instant sans gestation laborieuse.

Perpetuum mobile.

Comme un oiseau se pose.

Tout se tait.

SILENCE

Encore vivants, nous avons vu ce soir s’éteindre le jour. Cette chance de le voir se rallumer dès l’aube! …dansé le Vandango, sautillant d’un pas léger…

Et c’est ainsi que plus tard
Alors que le musicien racontait son histoire
Que son visage, d’abord seulement spectral
Prit une nuance plus blanche, pâleur moite (presque émouvante)  


Elle a dit qu’il n’y a aucune raison
Et la vérité saute soudain aux yeux humides 

ELLE dit qu’il n’y a aucune raison.

Qu’il fallait continuer de plonger brutalement en vitesse.

Qu’il fallait reconnaître ceci-cela à chaque instant.

Sautillant d’un pas léger

…libres…

…joyeux…